Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/02/2008

Devoir de mémoire : souvenez-vous de l'Inquisition !

Devoir de mémoire : souvenez-vous de l’Inquisition ! 

            Nous ne voulons plus de génocides, plus de guerres, plus d’assassinats ! C’est pourquoi, malgré toutes les dérives auxquelles elle peut se laisser entraîner (voyez la guerre en Irak), la démocratie nous paraît préférable aux régimes militaires et aux dictatures.

            On parle beaucoup du devoir de mémoire, notamment à propos du massacre des Juifs par le régime nazi. Mais, si nous sommes citoyens du monde, ne faut-il pas nous souvenir de toutes les victimes, quelles qu’elles soient ? 

            Dans l’Essai sur les Mœurs, au chapitre 62, Voltaire écrit :

            « C’est donc ainsi que l’Inquisition commença en Europe. Elle ne méritait pas un autre berceau. Vous sentez assez que c’est le dernier degré d’une barbarie brutale et absurde de maintenir, par des délateurs et des bourreaux, la religion d’un dieu que des bourreaux firent périr. (…) Vous verrez dans un chapitre à part ce qu’a été l’Inquisition en Espagne et ailleurs, et jusqu’à quel excès la barbarie et la rapacité de quelques hommes ont abusé de la simplicité des autres. » 

            On peut lire dans le chapitre 140, De L’Inquisition :

            « C’est un prêtre en surplis, c’est un moine voué à l’humilité et à la douceur, qui fait dans de vastes cachots appliquer des hommes aux tortures les plus cruelles. C’est ensuite un théâtre dressé dans une place publique, où l’on conduit au bûcher tous les condamnés, à la suite d’une procession de moines et de confréries. On chante, on dit la messe, et on tue des hommes. Un Asiatique qui arriverait à Madrid le jour d’une telle exécution ne saurait si c’est une réjouissance, une fête religieuse, un sacrifice, ou une boucherie ; et c’est tout cela ensemble. Les rois, dont ailleurs la seule présence suffit pour donner grâce à un criminel, assistent nu-tête à ce spectacle, sur un siège moins élevé que celui de l’inquisiteur, et voient expirer leurs sujets dans les flammes. On reprochait à Montezuma d’immoler des captifs à ses dieux : qu’aurait-il dit s’il avait vu un auto-da-fé ? » 

            Les nazis n’ont pas été les premiers à brûler des êtres humains. Ils n’ont pas non plus été les premiers à traiter les Juifs de manière inhumaine. Voici ce qu’écrit Voltaire dans le chapitre 103, De l’état des Juifs en Europe :

            « Le concile de Latran ordonna qu’ils portassent une petite roue sur la poitrine, pour les distinguer des chrétiens. Ces marques changèrent avec le temps ; mais partout on leur en faisait porter une à laquelle on pût les reconnaître. Il leur était expressément défendu de prendre des servantes ou des nourrices chrétiennes, et encore plus des concubines : il y eut même quelques pays où l’on faisait brûler les filles dont un juif avait abusé, et les hommes qui avaient eu les faveurs d’une Juive, par la grande raison qu’en rend le grand jurisconsulte Gallus, que « c’est la même chose de coucher avec un Juif que de coucher avec un chien ». 

            « Quand ils avaient un procès contre un chrétien, (…). On avait toujours soin de les pendre entre deux chiens, lorsqu’ils étaient condamnés. »

            Voltaire écrit au chapitre 102 : 

            « La reine Isabelle, ou plutôt le cardinal Ximénès, traita depuis les mahométans comme les Juifs ; on en força un très grand nombre à se faire chrétiens, malgré la capitulation de Grenade, et on les brûla quand ils retournèrent à leur religion. »

            Dans le chapitre 140, De L’inquisition, Voltaire écrit encore : 

            « L’Inquisition procéda contre eux et contre les musulmans. Nous avons déjà observé combien de familles mahométanes et juives aimèrent mieux quitter l’Espagne que de soutenir la rigueur de ce tribunal, et combien Ferdinand et Isabelle perdirent de sujets. (…) »

            « Ce Torquemada, dominicain, devenu cardinal, donna au tribunal de l’Inquisition espagnole cette forme juridique opposée à toutes les lois humaines, laquelle s’est toujours conservée. Il fit en quatorze ans le procès à près de quatre-vingt mille hommes, et en fit brûler six mille avec l’appareil et la pompe des plus augustes fêtes. Tout ce qu’on rapporte des peuples qui ont sacrifié des hommes à la Divinité n’approche pas de ces exécutions accompagnées de cérémonies religieuses. » 

            L’Église catholique a bien changé, c’est possible. Mais que vaut l’argument que les massacres et les crimes du XXème siècle sont tout simplement dus à l’absence de Dieu ? Nous allons l’examiner dans l’article suivant (Démocratie sans fondement ?).

____

Démocratie sans fondement ?

Démocratie sans fondement ?

L’absence de Dieu n’est pas l’absence de valeurs !

La démocratie ne repose pas sur une absence de fondement !

ou

Ne passez pas l’Antiquité Grecque et l’esprit critique à la trappe ! 

            Dans son édition du samedi 15 février 2008, Le Monde publie, sous le titre « Les résistants spirituels » ont été trop rares, et contre leur Église », un entretien avec Olivier Mongin et Jean-Louis Schlegel, le directeur et le conseiller de la revue Esprit. La phrase citée dans le titre de l’article est tirée de leurs propos. Dans l’ensemble, ils se montrent modérés ; toutefois, certaines de leurs déclarations peuvent et doivent être critiquées.

           « L’absence de Dieu, disent-ils, c’est l’absence d’un Référent ultime, de la valeur de la valeur. C’est le nihilisme chez Nietzsche, ce même nihilisme qui est indissociable des crimes du XXème siècle, pour le Tchèque Jean Patocka, le rédacteur de la charte 77 avec Vaclav Havel. »

            Les crimes des régimes communistes ? C’est Karl Marx, je pense, qui a fait de la violence le moteur de l’histoire, et les régimes communistes se sont réclamés de Marx, ou ont récupéré Marx. – Brecht, bien que communiste et athée, a eu tout à fait raison, me semble-t-il, de critiquer le nazisme. 

            Les crimes du régime nazi ? Nietzsche n’était pas antisémite, mais au contraire très critique par rapport aux allemands. Au reste, quel intérêt y aurait-il à ne voir en lui qu’un idéologue de droite, et rien d’autre ? Il y a, du moins à mon sens, des aspects beaucoup plus intéressants de l’œuvre de Nietzsche.

           Quoi qu’il en soit à propos des erreurs et des insuffisances de ces deux penseurs, et même de Brecht, il convient de répondre à ce que les deux représentants de la revue Esprit appellent « la valeur de la valeur ».

            Cette prétendue « valeur de la valeur » nous est donnée par des hommes. Ils se disent le peuple élu, inspirés par Dieu, ils se prétendent l’Envoyé de Dieu, ou les Envoyés de Dieu, ou le représentant de Dieu sur terre ! Libre à nous de penser que cette « valeur de la valeur » n’est que le rêve de gens qui ne sont que des êtres humains. 

          Même si, depuis Nietzsche, certains d’entre nous s’imaginent vivre à l’époque du crépuscule des idoles (ou du moins au début de cette époque), une valeur, au moins, en tout cas, subsiste : l’esprit critique.

            Il ne suffit pas, diront certains, l’esprit critique est quelque chose de très imparfait. – D’accord, et je ne suis d’ailleurs pas d’avis qu’avec Hegel, nous soyons parvenus à l’Esprit Absolu ! Mais si l’esprit critique est imparfait, croyez-vous donc que vos religions ne le soient pas ? 

            Pour les représentants de la revue Esprit, il semble que non seulement la critique des religions et des idoles soit sans fondement, puisque dépourvue de « Référent ultime » et de « valeur de la valeur », mais que la démocratie, elle aussi, soit sans fondement :

          « Si la démocratie, affirment-ils, par contraste avec le totalitarisme, exige de penser une indétermination, une place vide, une absence de fondement, il n’est pas question d’y répondre par le recours à un fondement de type religieux ou non. 

            Il est étrange que les représentants de la revue Esprit aient oublié que la démocratie a été fondée, il y a bien longtemps, par la civilisation grecque. Suis-je donc le dernier grec, ou le premier nouveau grec ?

            « Mais, poursuivent les représentants de la revue Esprit, – c’était un débat latent entre Claude Lefort et Paul Ricoeur –, peut-être que l’on peut répondre à l’indétermination démocratique par l’idée d’une « multifondation », d’une Europe « spirituelle » dont la mémoire est plurielle, d’une Europe puisant dans plusieurs traditions, religieuses et non-religieuses, en vue de les dynamiser. » 

            Les traditions de l’Europe seraient d’abord religieuses, ensuite seulement non-religieuses. Excusez-moi ! Je croyais que la civilisation grecque était antérieure au christianisme, du moins en Europe !

            « Toujours indéterminée, affirment encore les représentants de la revue Esprit, la démocratie gagne à rappeler ces cofondations plurielles, auxquelles les religions participent, sans être fondatrices. » 

            Le journaliste du Monde a-t-il déformé les propos qu’il a recueillis ? Les représentants de la revue Esprit voudraient-ils dire que ceux qui se réclament d’une religion se sont ralliés ou peuvent se rallier à la démocratie, même si elle a été fondée par les Grecs, ou qu’ils veulent cofonder, dans notre temps, la démocratie, dans un esprit de tolérance, avec des gens qui ne se réclament pas d’une religion, mais seulement de l’esprit critique ? Dans ce dernier cas, nous serions d’accord. Mais alors, s’il vous plaît, ne commencez pas par passer l’Antiquité Grecque et l’esprit critique à la trappe !

                                                           Sébastien

N.B. Dans son article, Alain, la formation de l’esprit et les Marchands de Sommeil, publié partiellement sur ce blog (Catégorie Alain, professeur de philosophie et écrivain), Maurice Hénaud montre, entre autres choses, que le rôle du professeur de littérature, d’histoire ou de philosophie, n’est pas du tout le même que celui du prêtre catholique, du pasteur, de l’imam ou du rabbin. – Sébastien.