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31/10/2006

A une Raison, de Rimbaud

A une Raison, de Rimbaud (extraits d'un chapitre de Maurice Hénaud, à paraître) (N.B. Parmi les autres notes ou extraits ou brouillons d'articles plus récents, voir Rimbaud, la vision et l'inconnu)

N.B. Cette note sur Rimbaud n'est pas la plus récente. D'autres notes sur Rimbaud ont été publiées depuis. La plus récente date d'aujourd'hui, 26 février 2006. (Maurice Hénaud) 

(...)

Chacun a sa raison", écrit Rimbaud dans Mauvais sang, autrement dit sa logique, qui n'est pas nécessairement celle de tout le monde.

A une Raison rappelle singulièrement certains passages de l'oeuvre de Baudelaire.

Pourquoi les enfants que présente Rimbaud demandent-ils à la Raison dont il s'agit qu'elle change leurs lots ? Sinon parce que, comme le dit Baudelaire dans Any Where out of the World,

"Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poële, et celui-là croit qu'il guérirait en face de la fenêtre" ?

Pourquoi ces enfants demandent-ils : "Elève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos voeux" ? Sinon parce que, comme le suggère le renvoi à Any Where out of the World, "n'importe où" signifie hors de ce monde ?

"Enfin mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : N'importe où ! n'importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !"

(...)

Comment cribler "les fléaux, à commencer par le Temps" ? Baudelaire a donné la réponse dans Enivrez-vous :

"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve."

"(...)

"Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."

S'il en est ainsi, il est bien compréhensible qu'A une Raison commence une section qui se continue immédiatement avec Matinée d'ivresse, et serve ainsi, en quelque manière, d'introduction à ce second poème.

Pourtant, ce sont des enfants qui élèvent vers la dite Raison leur prière ("on t'en prie"), qui n'est qu'une chanson ou un cantique ("te chantent ces enfants") : ces adeptes du poison sont donc naïfs, enfantins, puérils. Lorsqu'il écrit A une Raison, Rimbaud semble donc, un peu comme dans la seconde de ses Vies, revenu de ses illusions relativement au haschisch et à l'opium.

(...)

La Raison dont il est question est donc "arrivée de toujours". Elle s'en ira partout, peut-être parce que, selon Rimbaud, elle est promise à un avenir prévisible en tous les lieux de la terre, mais en tout cas, et surtout, parce que "partout", comme Jean Donat l'a montré, désigne souvent, pour Rimbaud, tous les lieux où l'on peut se rendre au moyen des paradis ou des enfers artificiels, et qui sont hors de ce monde.

(...)

Selon Antoine Fongaro, Guerre "est quasiment un doublet d'A une Raison" (page 163 de son livre de 2004). Sans doute les choses sont-elles beaucoup plus complexes, mais il faudra voir si, dans Guerre, Rimbaud n'avait pas songé à une Guerre pour la conquête de l'inconnu.

(...)

Maurice Hénaud.