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04/01/2006

RIMBAUD:des lettres dites du Voyant à Une Saison en Enfer

RIMBAUD : des lettres dites du Voyant à Une Saison en Enfer

[Nous publions ici de courts extraits d'un article de Maurice Hénaud qui devrait paraître dans un prochain numéro de La Petite Revue de l'Indiscipline]

Dans Une Saison en Enfer (1873), Rimbaud renonce à l'idéal baudelairien qu'il avait fait sien dans les lettres dites du Voyant (1871). En retrouvant l'essentiel des conceptions qui y sont développées dans les "hideux feuillets" de 1873, Alain Dumaine a en effet pu le montrer.

"(...) inspecter l'invisible et entendre l'inouï étant autre chose que reprendre l'esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu", affirme Rimbaud en 1871. Selon lui, le poète doit rechercher "toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences."

(...)

Le démon qui couronna l'auteur d'Une Saison en Enfer "de si aimables pavots" (les fleurs dont on fait l'opium, les fleurs du démon, ou les fleurs du Mal, qui créent les paradis ou les enfers artificiels), c'est Baudelaire, le roi des poètes, dont Rimbaud fut le successeur véritable.

(...)

"Je ne regrette pas le siècle des coeurs sensibles", écrit Rimbaud dans Mauvais sang. Il ne regrette pas, comme Musset dans Rolla (Ah! la "sensibilité de coeur"!), le XVIIIème siècle non voltairien, celui du coeur et de la croyance. "Chacun a sa raison, mépris et charité : je retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens."

"Le bon sens nous dit que les choses de la terre n'existent que bien peu, et que la vraie réalité n'est que dans les rêves", avait affirmé Baudelaire dans la dédicace des Paradis artificiels. Rimbaud, comme lui, a sa raison, mépris et amour pour les femmes. Est-ce de l'angélisme ? Le coeur, n'en déplaise à Verlaine, n'est pas ce qui se trouve au sommet. Le coeur n'est que le premier échelon de l'angélique échelle : Hugo l'a dit, n'en déplaise encore à Verlaine (voir De la Femme au Ciel, dans Les Chansons des Rues et des Bois).

Quant au "bonheur établi", Rimbaud s'y sent inapte. Pourquoi ? "moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde."

La vie de Rimbaud, comme l'âme de Baudelaire dans Elévation, s'envole si haut, que la terre n'est plus qu'un point.

"Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d'aimer la mort!", remarque Rimbaud. Aimer la mort, c'est aimer l'idéal baudelairien des paradis artificiels et des amours monstrueuses qui écartent "l'honnêteté", honnêteté qui empêche les vieilles filles de connaître l'amour. (voir Femmes damnées, Delphine et Hippolyte, vers 59 à 66 en particulier)

(...)

"J'ai avalé une fameuse gorgée de poison. - Trois fois béni le conseil qui m'est arrivé!", s'écrie ironiquement Rimbaud dans Nuit de l'Enfer. Le conseil avait été donné par Baudelaire "à ceux qui mériteraient peut-être le bonheur" (c'est-à-dire aux artistes et aux poètes), dans la dédicace des Paradis artificiels :

"Pour digérer le bonheur naturel, comme l'artificiel, il faut d'abord avoir le courage de l'avaler (...)" 

(...) 

"Que parlais-je de main amie!", écrit Rimbaud dans sa conclusion."Un bel avantage, c'est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs"

Les vieilles amours mensongères sont les amours baudelairiennes, analogues à celles des Femmes damnées, de Delphine et Hippolyte :

" - j'ai vu l'enfer des femmes là-bas;"

Rimbaud renvoie ainsi triplement à l'entreprise baudelairienne du voyant.

(L'expression "enfer des hommes" ne renverrait pas à Baudelaire, et Rimbaud ne l'a pas employée).

" - et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps."

Verlaine n'est qu'un "faux con" (comme il l'a dit lui-même), et la vérité, loin d'être uniquement dans les rêves, se trouve aussi dans le corps et dans la femme réelle.

Le mérite éventuel de ce petit article (...) n'a consisté qu'à reprendre les idées exprimées par Alain Dumaine dans ses ouvrages. (...) 

Maurice Hénaud

11:10 Publié dans Rimbaud | Lien permanent